Le jour de nouvelle année, Noël en Sicile

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Le 25 décembre a été reconnu fort tardivement comme le jour anniversaire de la naissance de Jésus

Le christianisme primitif ignore cette célébration et, dans la première moitié du IIIe siècle, le philosophe alexandrin Origène refuse encore que soit posée la question de la date de naissance du Christ, comme s'il s'agissait d'un quelconque souverain ou pharaon. Reprenant une prophétie de Michée, les évangélistes Mathieu et Jean situent la Nativité à Bethléem mais ne donnent aucune indication quant à sa date, et les bergers veillant la nuit, en plein air, sur leurs troupeaux qu'évoque saint Luc laissent penser à une journée printanière. Plusieurs dates correspondant à la naissance de Jésus sont pourtant proposées à partir de la fin du IIe siècle.

Clément d'Alexandrie avance le 18 novembre, mais les auteurs ultérieurs tiennent pour une date située entre mars et mai. Certains gnostiques choisissent celle du 6 janvier, qui présente l'intérêt de correspondre aux épiphanies de Dionysos et d'Osiris – deux divinités de la végétation qui, comme le Christ, meurent et ressuscitent – et à la sortie du soleil dans la constellation de la Vierge, moment important pour les astrologues de l'Antiquité. La date du 6 janvier fut également retenue pour célébrer l'anniversaire du baptême du Christ dans le Jourdain et le miracle réalisé lors des noces de Cana qui virent Jésus transformer l'eau en vin. Aux IIIe et IVe siècles, c'est donc le 6 janvier, qui voit « l'épiphanie », c'est-à-dire la « manifestation » du Christ, que l'Orient chrétien célèbre sa naissance.

À l'inverse, l'Occident se rallie rapidement à la date du 25 décembre. L'importance accordée aux anciennes fêtes du solstice d'hiver, le souvenir des saturnales romaines (célébrées du 17 au 25 décembre) et la place considérable qu'avait acquise dans l'empire le culte de Mithra – dieu solaire et sauveur d'origine iranienne – expliquent pour une bonne part ce choix. Correspondant à la nuit la plus longue de l'année, qui précède immédiatement la « remontée » du soleil dans le ciel, le solstice d'hiver était un moment chargé d'une forte sacralité pour les anciennes sociétés européennes, et l'assimilation du Christ sauveur au Soleil victorieux des ténèbres devait fatalement rapprocher les deux traditions. La célébration de la renaissance annuelle de Mithra et la fête du Sol invictus, dont Aurélien avait tenté d'imposer le culte dans l'ensemble de l'empire, intervenaient toutes deux le 25 décembre, et Macrobe nous rapporte que, ce jour-là, on sortait d'un sanctuaire une divinité solaire figurée comme un enfant nouveau-né.

Ces pratiques ne pouvaient que préparer le subtil syncrétisme mis en œuvre par les chrétiens pour assimiler la naissance de Jésus au retour de l'astre solaire. Au milieu du IVe siècle, le 25 décembre est déjà retenu à Rome comme la fête de la Nativité du Christ. Au début du siècle suivant, la fête de Noël est placée sur un pied d'égalité avec celles de Pâques et de l'Épiphanie, laquelle commémore désormais la venue des Rois mages. En 440, l'Église décide officiellement de célébrer la naissance du Christ le 25 décembre, et Noël devient une fête d'obligation au début du VIe siècle, à peu près au moment où Denys le Petit fixe arbitrairement la naissance du Christ en l'an 754 de la fondation de Rome. L'Occident resta longtemps réticent pour se rallier à une date, le 25 décembre, qui correspondait, pour les croyants coptes ou arméniens, à des célébrations païennes exécrées. Il semble en effet que les tenants de la foi nouvelle venue d'Orient, de même qu'ils « christianiseront » la fête celtique des morts du début novembre, ont « récupéré » la puissante sacralité qui accompagnait traditionnellement les fêtes du solstice pour en faire le moment de la naissance du Sauveur. Dans l'ouvrage qu'il a consacré aux Survivances païennes dans le monde chrétien, Arthur Weigall constate que « ce choix semble avoir été imposé aux chrétiens par l'impossibilité dans laquelle ils se trouvaient, soit de supprimer une coutume aussi ancienne, soit d'empêcher le peuple d'identifier la naissance de Jésus à celle du Soleil. » Conscient des difficultés rencontrées par les évangélisateurs des peuples barbares du Nord, le pape Grégoire Ier n'hésitera pas à recommander à Augustin, l'apôtre des îles Britanniques, d'interpréter dans un sens chrétien les rites et les croyances auxquels demeuraient attachés les Anglo-Saxons du début du VIIe siècle.